J’ai eu le plaisir de goûter à l’aveugle le 14 novembre et le 16 novembre matin à Château Haut Bailly, une série de 35 vins Rive Gauche-Rive Droite, millésime 2002. Ces dégustations à l’aveugle sont toujours une grande école de modestie.
Depuis mes premières dégustations avec Jacques Luxey en 1988 à Paris la méthodologie est à peu près la même et je retrouve le même côté professionnel. C’est toujours aussi angoissant de se trouver devant tant de verres sans savoir, mais dès la première gorgée, le doute s’estompe et sans être devin, on peut être certain que d’un côté il y aura les mauvais (ça c’est facile : vins maigres, des défauts, végétal, pas bon) et de l’autre les très bons, mais là, ça devient un peu plus coton : celui-ci est moins gras mais comment exprimer, expliquer le manque de « classe », celui-là un peu végétal, mais comment dire, avec quand même un peu plus de classe…. Enfin j’y arrive avec mes goûts très perso. Pour le reste du lot, hélas : vins moyens, mais, en tout cas dans le contexte, sans vice ni vertu. Sans compter mes erreurs d’appréciation, surtout quand je note mal et que je ne reconnais pas mon propre vin !
Avant de débuter cette dégustation, François Mauss exprimait les réflexions des propriétaires des grands châteaux ( qui n’aiment toujours pas ces dégustations à l’aveugle) et je pensais « rien de nouveau, avec Luxey, c’était pareil » , pensée que j’ai fait partager à Mr Perrin.
Les grandes marques n’ont bien sûr rien à gagner à arriver dernières, ni même en milieu de tableau, mais comme j’aime à le souligner à chaque fois :
1/ si ce n’est pas le Grand Jury, ce sont nos clients qui goûtent et jugent nos vins
2/ mais nos clients n’achètent pas leurs vins à l’aveugle
3/ Ferrari gagne les courses, mais il se vend plus de Mercedes ou de Peugeot, donc il faut bien séparer ces dégustations de la « vraie vie »
4/ Ce n’est bien sûr qu’une dégustation à l’instant T et les classements peuvent parfois évoluer, mais de toute façon c’est quand même pas une raison suffisante pour ne pas se remettre en question.
Les résultats sont donnés et commentés après la dégustation, je me suis alors aperçu que je goûtais presque comme Louis Havaux, que j’avais quelques goûts communs avec Perrin ou Mme Sanders, mais que je devais goûter bien différemment d’un producteur Italien qui aime avec une belle constance ce que je n’aime pas ( les vins secs, végétaux, de goût ancien..).
Sinon, à l’aveugle, j’ai bien aimé tous les vins signés Magrez, mais j’ai aussi été surpris par la classe de Haut Condissas et de Reignac , découvert Branas Grand Poujeaux, placé tout en haut de ma liste Ausone et Beau-Séjour Bécot, et également bien noté Pavie Decesse, La Gomerie, Chevalier, Smith Haut-Lafitte, Malartic Lagravière, La Mondotte et Kirwan.
Il faudra attendre les résultats officiels pour savoir si je suis du même avis que le Grand Jury, ce qui, au fond, n’intéresse que moi, pauvre petit négociant à qui il avait été reproché il y a quelques années d’avoir un avis sur les vins que j’achetais. En effet, pour nous c’est souvent comme pour le consommateur, paye et tais-toi. La démocratie, c’est bon pour tout le monde, mais difficile à supporter dès que ça empiète sur les privilèges, etc…